La notte tracannata d’un fiato

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Texte

La notte tracannata d’un fiato (poesie sul tango)

Tango induci i nostri cuori a palparsi
come silenziose dita che liberano
uno dopo l’altro
e senza farli sanguinare
i chicchi di un melograno infinito

 

 

Prima della salida
impregniamoci del profumo
esalato dal nostro abrazo
poi balliamo
come se la musica lo diffondesse
in tutta la sala di danza

 

 

L’ultima nota del tango è una lama
che stacca due falene
sempre sul punto di staripare insieme
la notte tracannata d’un fiato che le trafigge
come due amanti sorpresi
in flagrante delitto.

 

 

Lo vedi quello sguardo è uno spaventapasseri
un rospo che tra le tue braccia
non diventerà mai principe o fata
già lo sai tu che vuoi il meglio o il conosciuto
quello sguardo è uncino da schivare
dono stroncato
punto di domanda dietro la tua schiena

attorno alla rigogliosa pista di danza
pullulano croci

 

 

La grassona che aspetta in un angolo
da quando fino a quando
deve sopportare il peso
della maschia indifferenza
le nostre ruvide creste di gallo
la schiaffeggiano
ma vortici di feroce tenerezza
i suoi occhi

 

 

Perpetrare il ratto d’Europa ballando il tango
farsi inghiottire da un sorriso estatico
intravisto interpretato moltiplicato
da specchi deformanti
predatore avvolto dalla sua preda
toro domato

 

 

La dea di ieri sera ha i denti spaiati
stamani e come me le borse sotto gli occhi
finita la musica e la festa
i corpi ridiventano solo corpi
ma l’invisibile cofanetto dei vestiti di tango
ci segue dappertutto
ha antenne sensibilissime
per captare ogni occasione di trasformare
il corpo in sogno

 

 

Gonna e tacchi di sorbetti e confiserie
sfarfallavi avvolgendomi nel tuo zucchero a velo
se sei ancora schiava del miele
che produci per la divorante ape regina
icona della tua femminilità

sappilo nei tuoi batuffoli
divento il perno dei tuoi attributi
una fragile caricatura
della virilità

 

 

Il tango mi fa paura
dunque non mi basta più ballarlo
se avessi saputo quanti sforzi mi avrebbe costato
non l’avrei mai iniziato
ora che da solo esercito dei passi
su un marciapiede o una fermata d’autobus
stringendo contro il petto
come la scopa di una strega
ricordi di melodie d’uomini di donna
ora che la pista di danza è attorniata
da specchi che applaudono o sghignazzano
e che il tango ha fecondato le mie vene
con del sangue di torero
ora è troppo tardi

 

 

La nuit bue d’un trait (poèmes sur le tango)

Tango induis nos cœurs à se palper
comme des doigts silencieux qui libèrent
un après l’autre
et sans les faire saigner
les pépins d’une grenade infinie

 

 

Avant la salida
imprégnons-nous du parfum
qu’exhale notre abrazo
puis dansons comme si la musique
le diffusait dans toute la salle

 

 

La dernière note du tango est une lame
qui détache deux phalènes
toujours sur le point de déborder ensemble
la nuit bue d’un trait qui les transperce
tels deux amants surpris
en flagrant délit

 

 

Tu vois ce regard c’est un épouvantail
un crapaud qui dans tes bras
ne se transformera jamais en prince ou fée
tu le sais déjà toi qui ne veux que
le meilleur ou le connu
ce regard est un crochet à esquiver
cadeau tronqué
point d’interrogation derrière ton dos

autour de l’exubérante piste de danse
des croix pullulent

 

 

La grosse dame qui attend dans un coin
depuis quand jusqu’à quand
doit-elle endurer le poids
de la mâle indifférence
nos rêches crêtes de coq
la giflent
mais tourbillons de féroce tendresse
ses yeux

 

 

Perpétrer le rapt d’Europe en dansant le tango
s’engouffrer dans un sourire extatique
entrevu interprété multiplié
par des miroirs déformants
prédateur enveloppé dans sa proie
taureau dompté

 

 

La déesse d’hier soir a les dents dépareillées
ce matin et comme moi les yeux cernés
la fête et la musique finies
les corps redeviennent seulement des corps
mais l’invisible coffret des habits de tango
nous suit partout
il a des antennes très sensibles
pour capter chaque occasion de transformer
le corps en rêve

 

 

Jupe et talons de sorbets et confiseries
tu voletais en m’enveloppant dans ta barbe à papa
si tu es encore l’esclave du miel
que tu produis pour la dévorante reine des abeilles1
icône de ta féminité

sache que dans tes houppes
je deviens le pivot de tes attributs
une fragile caricature
de la virilité

 

 

Le tango me fait peur,
c’est pourquoi le danser ne me suffit plus
si j’avais su les efforts qu’il m’aurait demandés
je ne l’aurais jamais commencé
maintenant que j’exerce seul des pas
sur un quai de gare ou un trottoir
en étreignant contre ma poitrine
tel un balai de sorcière
un souvenir de mélodies d’hommes de femmes
maintenant que la piste de danse est bordée
de miroirs qui applaudissent ou ricanent
et que le tango a fécondé mes veines
de je ne sais quel sang de torero
c’est trop tard

1 « Esclave du miel » et « reine des abeilles » sont des emprunts au poème « Dards » de Sylvia Plath : « Je suis là, dans une colonne / De femmes

Notes

1 « Esclave du miel » et « reine des abeilles » sont des emprunts au poème « Dards » de Sylvia Plath : « Je suis là, dans une colonne / De femmes ailées nullement miraculeuses, / Esclaves du miel. / Moi je ne suis pas une esclave / Même si depuis des années j’avale de la poussière / Et j’essuie des assiettes avec mon épaisse chevelure ». (Sylvia Plath, Ariel, trad. V. Rouzeau, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 2009, p. 81)

Citer cet article

Référence électronique

Cesare Mongodi, « La notte tracannata d’un fiato », Carnets de Poédiles [En ligne], Babel, mis en ligne le 25 mai 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://carnets-poediles.pergola-publications.fr/index.php?id=250

Auteur

Cesare Mongodi

Enseignant de français et médiateur scolaire dans un lycée suisse ; cesare.mongodi
[a]yahoo.fr

Cesare Mongodi (1963). Université de Lausanne : licence en économie puis en lettres italiennes et françaises. Depuis 1999, enseignant de français, d’italien et médiateur au gymnase de Morges (Suisse). Danse le tango depuis une dizaine d’années. Suite à la publication de deux recueils de poèmes en français (Pieds-de-biche et Ciao Papà, Samizdat, Genève, 2009 et 2012) il écrit en italien, sa langue maternelle, et s’autotraduit en français. Sélection de poèmes consacrés à l’école dans l’Anthologie de la poésie suisse d’aujourd’hui, 45 poètes (Bacchanales, no 64, 2021). Choix de poèmes, entretiens et traductions sur le site www.cesaremongodi.com.

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