Introduction
Cet article se propose de contribuer à une réflexion sur la configuration de l’enseignement de la poésie, c’est-à-dire sur la définition de ses finalités, enjeux et modalités dans la transmission des savoirs à l’école. Nous adoptons comme angle d’observation les liens entre l’enseignement de la poésie et l’institution scolaire, et ce par l’analyse non pas directement des programmes dans leurs orientations épistémologiques ou didactiques, voire de ce qu’ils disent en détail de la poésie comme contenu d’enseignement, mais de la manière dont les enseignants s’en emparent. Nous nous saisissons pour ce faire d’un objet spécifique, les documents consignant la progression annuelle prévue par des professeurs de français dans le secondaire en France, en particulier dans des classes de 6e et de 3e.
En effet, à la question de ce que fait l’institution scolaire à la poésie, objet du dossier dans lequel nous nous insérons, la didactique de la littérature tend à répondre que l’introduction dans la classe est, pour la poésie, à la fois un moyen d’exister auprès de futurs lecteurs (Debreuille, 1995 ; Brunel, 2015), mais aussi un risque de perdre en substance, d’être dépoétisée pourrait-on dire :
La poésie se trouve souvent délaissée si ce n’est instrumentalisée et donc détournée. Il semble qu’elle reste souvent à la porte de la classe ou qu’elle y perde son âme en y entrant… (Martin, 2010, p. 2).
La « scolarisation » (Denizot, 2021) serait, en somme, défavorable à la poésie. Dans cette perspective, une préoccupation des travaux sur l’enseignement de la poésie est notamment de déterminer si les élèves traversent, du moins au collège, « un immense désert poétique » (Brillant Rannou, 2015). De précédentes enquêtes (Debreuille, 1995 ; Brunel, 2015) ont ainsi pu contribuer à un état des lieux en visant le corpus poétique enseigné, mais aussi la place du texte poétique dans le cours de français, dans les collèges français en particulier.
Elles l’ont fait au regard des programmes alors en vigueur : ceux de 1987 pour les réponses à un questionnaire présentées par M.-F. Berrendonner (Debreuille, 1995, p. 67-74), et ceux de 2008 pour l’étude de cas de M. Brunel (2015). Les programmes de 2015, appliqués à partir de la rentrée 2016 dans les collèges, pourraient être étudiés eux aussi pour interroger le corpus et les approches privilégiées pour enseigner la poésie. À supposer, toutefois, que l’on voie dans chaque nouveau programme une impulsion de nature à modifier réellement les pratiques des enseignants.
Actualiser ces enquêtes avec la même focale conduirait vraisemblablement, comme ces travaux, à qualifier les programmes de « peu prégnants » (Debreuille, 1995), à relever surtout des « phénomènes d’écarts » (Brunel, 2015) entre la prescription des programmes et l’enseignement effectif. C’est davantage la focale elle-même de la prescription que nous questionnons, d’autant que le prescrit, plus généralement, est un mot couramment usité, en sciences de l’éducation ou dans les didactiques disciplinaires, pour désigner de manière indistincte les programmes et d’autres textes ou prises de parole, comme les ressources institutionnelles ou les corps d’inspection. Un travail théorique spécifique reste à faire pour définir précisément ce qu’est ce prescrit, dans quelle mesure il est effectivement une prescription et pour qui. S’agissant des programmes scolaires spécifiquement, on peut poser qu’ils fixent, dans le système éducatif français, des finalités d’enseignement communes à l’ensemble du territoire. Ils revêtent un caractère normatif et contraignant (au sens juridique) pour les enseignants comme pour les usagers du service public d’éducation, par leur place dans la hiérarchie des normes (Vogler, 1994, p. 798). Cela n’augure en rien de leur application stricte dans les classes, et le travail d’expertise du professeur (Lang, 2008, p. 542) passe par une appropriation de ces textes, légitime aux yeux de l’institution, quant aux moyens de les mettre en œuvre : la liberté pédagogique du professeur, définie par exemple dans la loi d’orientation de 2005. Les programmes ont ainsi une dimension praxéologique restreinte : les méthodes n’affleurent qu’à la marge, comme l’observe, dans le contexte belge, E. Mangez (2004). Les programmes disent peu les manières de faire. Ils participent davantage du curriculum (Isambert-Jamati, 1990 ; Forquin, 2008) au sens large de visées d’enseignement, principalement par la définition de contenus d’enseignement (Ropé, 2000, p. 103).
À partir de là, pour tenter d’appréhender de manière compréhensive et systémique les comportements des enseignants de français face aux programmes ainsi définis comme mise en discours des finalités, nous choisissons d’analyser un objet relevant a priori d’une mise en discours des programmes par les enseignants : leur projet de progression annuelle. Nous nous intéressons donc à ce qui se passe en amont du cours, dans l’élaboration de son enseignement par le professeur. Cet espace-temps de la conception, nous l’appellerons le laboratoire didactique de l’enseignant1. Et la question que nous posons ici est de savoir jusqu’à quel point les programmes entrent dans le laboratoire didactique des enseignants de français, quand il s’agit de poésie. D’une part, les programmes prennent-ils une part décisive dans les choix que font les professeurs pour enseigner la poésie ? D’autre part, participent-ils effectivement de la scolarisation de la poésie ?
En présentant d’abord l’objet dont nous nous saisissions pour cette enquête, nous exposerons plus avant le cadre et les perspectives dans lesquels nous inscrivons notre travail ; nous aborderons ensuite, en même temps qu’un aperçu de ce qui caractérise les programmes de 2015, les récurrences constatées quant à la place des textes poétiques annoncée dans l’année des élèves, puis le rapport complexe aux prescriptions qui s’en dégage.
Cadre théorique et définition de l’objet
La « progression annuelle », plan de cours de l’année, est un document prospectif2. Elle ne répond pas à un modèle ni à une commande précise3. Les professeurs lui donnent généralement la forme d’un tableau à double entrée. Les lignes, le plus souvent, correspondent aux périodes — majoritairement de vacances à vacances. Les colonnes correspondent aux sous-champs disciplinaires : lecture, écriture, grammaire, oral, etc4. Les variantes sont nombreuses et certains documents sont très détaillés, quand d’autres ne donnent que peu d’indications. Lors d’une inspection, les professeurs peuvent donner ce document à l’observateur. Ce n’est pas une obligation de service5 comme l’est le cahier de textes. Dans tous les cas, il est constitutif d’une démarche de présentation de soi en contexte professionnel.
Précisément, ce document nous intéresse en tant qu’il constitue une programmation affichée. Dans le cadre d’une inspection en particulier, les professeurs affichent ce qu’ils pensent qu’il est attendu d’eux et la manière dont ils pensent s’y conformer (Reuter, 2007). Première mise en discours par l’enseignant des programmes et des contenus d’enseignement, la progression annuelle donne donc un accès à ce qui se passe en amont du cours, dans la conception de son enseignement par le professeur. Cette observation doit ainsi permettre d’interroger les « arrière-plans » (Rayou et Sensevy, 2014) intervenant dans les choix du professeur.
Les catégories mobilisées dans notre analyse relèvent, en effet, de la sociologie du curriculum, à savoir des conditions et processus d’élaboration des contenus d’enseignement. Plus spécifiquement encore, dans la lignée de V. Isambert-Jamati (1990), c’est la question de ce qui fait sens pour les acteurs que nous interrogeons. En l’espèce, ces acteurs sont des professeurs, pris comme groupe professionnel, face aux programmes comme prescription, en somme face au « curriculum formel » (Isambert-Jamati, 1990). Notre recherche se situe du côté de ce qui est observable dans les enseignements, c’est-à-dire le « curriculum réel » (Isambert-Jamati, 1990 ; Perrenoud, 1993). Ce qui ne signifie pas que nous visions des pratiques effectives, observées en classe, ce qui serait se situer dans le curriculum réalisé (Maulini, 2024). La mise en discours des programmes que proposent les professeurs est précisément une part peu documentée du curriculum réel. S’en saisir revient à prendre comme objet les transformations qui s’opèrent dans l’intervalle entre le formel et le réel.
En cela, nous nous inscrivons dans une démarche socio-didactique (Losego, 2014 ; Claude, 2022) et postulons que c’est une logique relationnelle entre les professeurs, comme groupe socio-professionnel, d’une part et des finalités d’enseignement, elles-mêmes socialement et historiquement construites (Forquin, 2008), d’autre part, qui est de nature à éclairer l’enseignement de la poésie dans les classes de collège en France. L’approche sociologique, ici, ne renvoie donc pas à l’examen de caractéristiques sociales des groupes ou individus, mais au fait de considérer des professeurs, observés dans leurs choix pour enseigner la poésie, comme des sujets sociaux. Ce que l’école fait à la poésie serait en partie le résultat de l’interaction des professeurs et des programmes. Notre enquête repose sur l’hypothèse d’une part active des professeurs dans la configuration de leurs objets d’enseignement.
Conditions de l’enquête et traitement des données
Notre corpus d’étude comporte 70 progressions annuelles établies en vue d’une inspection par des professeurs certifiés ou agrégés ayant entre 6 et 15 ans d’expérience, recueillies dans 7 académies, incluant des zones favorisées, des zones urbaines défavorisées, des zones rurales ou périurbaines. Le nombre de documents au total ou par académie ne se veut pas représentatif, mais significatif dans la perspective d’étayer un constat des pratiques. La sélection des niveaux de classe vise : d’une part, la fin du cycle 3, qui lie deux classes du premier degré et la première année du collège ; d’autre part, la dernière année du collège, aboutissement des attendus de fin de cycle 4 dans les programmes depuis 2016. Ainsi ont été réunies 35 progressions de 6e, pour des élèves de 11-12 ans, 35 de classe de 3e, touchant les élèves de 14-15 ans.
Ces progressions annuelles ont été l’objet d’une lecture comparée s’apparentant à de l’analyse de contenu (Bardin, 1977). Nous avons cherché à identifier des récurrences à la fois dans la structuration générale de ces documents et dans la place qu’y occupe la poésie. Par « place », entendons à la fois la période choisie dans l’année, l’ordre par rapport aux autres genres littéraires et la fréquence à laquelle la poésie est étudiée. Autrement dit, nous avons cherché à voir si, dans les progressions, la poésie est prévue en début, milieu ou fin d’année ; si elle y est insérée dans un ordre aléatoire par rapport au roman ou au théâtre, par exemple ; si des textes poétiques sont étudiés en dehors d’un temps dédié à l’étude de la poésie comme genre. Outre la mesure de la fréquence avec laquelle les élèves rencontrent des textes poétiques dans leur année, nous avons choisi d’observer les auteurs et textes référencés, en lien avec la question du « corpus effectif » (Estève, 2011 ; Brunel, 2015) proposé par les professeurs, c’est-à-dire des textes sélectionnés parmi les textes possibles, au sein d’un corpus indicatif ou non, et qui constituent « le socle sur lequel tout lecteur édifiera son parcours ultérieur » (Estève, 2011, p. 65). À cela s’ajoute la focale de l’approche littéraire affichée, qui a supposé d’examiner quantitativement et qualitativement les problématiques des séquences consacrées à la poésie, les notions et connaissances mentionnées.
Les données extraites de ce premier examen ont été confrontées aux programmes de 2015, mais aussi à ceux de 1996 et de 2008, afin d’éprouver l’hypothèse que diverses strates de programmes aient pu influencer les choix des professeurs. Ces mêmes données ont, enfin, été mises en rapport avec des catégories socio-administratives comme l’indice de position sociale (IPS)6, pour les établissements et donc les élèves concernés, ou encore pour les professeurs, leur âge, sexe, ancienneté — et plus particulièrement la période à laquelle ils ont été formés. L’enjeu n’est pas d’apporter une démonstration sur la base de caractéristiques sociales mais d’observer des possibles récurrences à partir d’indicateurs stables et disponibles, à l’échelle de notre enquête.
1. Un rapport ambivalent au programme dans les approches de la poésie
Un premier élément saillant dans les progressions annuelles, et dans leurs liens avec les programmes, est la faible part qu’occupe l’annonce du corpus de textes, tous genres confondus. Les professeurs auteurs des progressions analysées affichent des thèmes, des genres, des notions, éventuellement des compétences, et moins systématiquement les textes précis que les élèves vont lire.
Ci-dessous, dans l’extrait d’une progression prévoyant l’année d’une classe de 3e dans un collège assez favorisé du sud de la France, la lecture d’un groupement de poèmes est annoncée. On dispose d’un titre de séquence, « Célébrer la beauté du monde » ; on ignore quels textes vont lire les élèves :
Entrée/Questionnement |
Objectifs |
Corpus |
Regarder le monde, inventer des mondes. Visions poétiques du monde. |
- Découvrir des formes modernes de poésie lyrique. - Porter un regard poétique sur le monde qui nous entoure. - Comprendre que la poésie joue de toutes les ressources de la langue pour célébrer le monde et en interroger le sens. |
Groupements de poèmes, de textes poétiques en prose et d’œuvres artistiques. |
Dans un autre document de 3e, d’une autre académie, le corpus annoncé pour la séquence sur la poésie se limite à : « Césaire, Verlaine, Grand Corps Malade ». Aucun texte n’est précisé. Il s’en dégage un rapport au texte littéraire comme objet d’enseignement que l’on est tenté de qualifier de second, dans le sens où il n’est pas affiché comme le pivot des séquences, priorité étant donnée aux thèmes ou domaines de compétences abordés.
En cela, les progressions entretiennent une apparente convergence avec les programmes de 20157. Ceux-ci placent en effet au centre du curriculum formel le développement de compétences de compréhension et une approche de la littérature plus orientée vers l’implication du lecteur dans l’expérience du monde, plutôt que des savoirs sur les spécificités des genres :
[L]es entrées et questionnements mettent en lumière les finalités de l’enseignement ; ils présentent la lecture et la littérature comme des ouvertures sur le monde qui nous entoure, proposent des réponses aux questions que se pose l’être humain. […] À travers ces questionnements, l’élève est conduit à s’approprier les textes, à les considérer non comme une fin en soi mais comme une invitation à la réflexion. (BOEN no 31 du 30 juillet 2020).
Ces mêmes programmes ont marqué une rupture en faisant disparaitre la liste d’œuvres et d’auteurs accompagnant chaque entrée du « programme de lecture » de 2008, qui était largement organisé selon les genres (Clément, 2018). En 2015, ne figurent plus que des « indications de corpus » où les genres sont parfois peu spécifiés et parfois mis en dialogue, comme dans l’entrée de 6e « Récits de création et création poétique » (annexe 1). L’analyse des textes par les genres et le contexte, tout comme le corpus ou les notions, vient après les compétences de compréhension fixées comme objets d’enseignement premiers. Il est possible que les progressions annuelles de notre corpus traduisent cette spécificité des programmes en vigueur en plaçant les références précises des textes au second plan, mais cela est loin d’être certain.
D’autres choix illustrent des liens plus distants, voire contradictoires, des enseignants de notre échantillon avec les orientations données par les programmes de 2015. Le premier tient au fait que le corpus poétique est, paradoxalement, assez détaillé dans les progressions annuelles, plus que pour d’autres genres, comme l’autobiographie en 3e ou le récit d’aventures en 6e. Ce corpus est pourtant allusif dans les programmes s’agissant de la poésie. En classe de 3e, par exemple, le texte officiel vise le lyrisme dans une perspective assez large : « découvrir des œuvres et des textes relevant principalement de la poésie lyrique8, du romantisme à nos jours » (annexe 2). On observe la même logique dans l’écriture du programme de 6e. Aucun corpus précis n’est associé à la recommandation d’étudier « des poèmes de siècles différents, célébrant le monde et/ou témoignant du pouvoir créateur de la parole poétique ».
Dans les progressions des professeurs, il en va autrement. En 6e, le corpus de poèmes est donné dans la moitié des documents. Sur 35 progressions, 17 donnent des indications suffisantes pour reconstituer le corpus proposé aux élèves. 14 indiquent de manière allusive les textes. Par exemple, dans une progression d’un collège de l’Ouest de la France, on lit : « GT9 de poèmes sur les quatre saisons » comme seule indication du corpus étudié. Dans 4 autres cas, cette partie du document est vide. En 3e, sur 35 documents, 3 laissent vacante la mention des textes poétiques. En revanche, seuls 4 documents sont allusifs concernant les références des textes, quand les 28 autres donnent une liste assez précise du corpus poétique étudié. En Île-de-France, dans un collège favorisé périurbain, cet extrait de progression de 6e illustre ce traitement différentiel des indications de corpus :
Séquences |
Corpus |
Séquence 2 : Récits de création |
Apollinaire, « Automne malade » ; Queneau, « Destin d’une eau » ; Rimbaud, « Le Buffet » |
Séquence 3 : Récits d’aventures |
Saint-Exupéry, Le Petit Prince |
Séquence 4 : Résister au plus fort |
GT Le Roman de Renart |
Cela peut apparaitre comme des tentatives pour combler les blancs de programmes, qui insistent davantage sur les compétences et la « formation personnelle » (annexes 1 et 2) que sur les indications de corpus. Il n’est pas à exclure que cela puisse relever aussi d’un rapport au texte et à l’enseignement des textes, notamment si l’on tient compte du cadre évaluatif d’une inspection dans lequel cet affichage est formalisé. Quand il est possible de rester allusif, comme pour le détail des extraits du Roman de Renart, donner les références des poèmes choisis n’est pas neutre10.
Ici, on retiendra d’abord la disparité entre la 3e, où l’on compte 16 progressions détaillant davantage le corpus pour la poésie que pour les autres genres, et la 6e, où cette tendance ne s’exprime que dans 4 progressions annuelles. Le corpus tel qu’il est affiché résulterait alors moins d’une interprétation des programmes que de l’actualisation d’une vision de la classe de 3e et de ses finalités. Plus orientée vers le lycée, où l’on enseignerait la littérature et les textes tels que sélectionnés par l’histoire littéraire, la classe de 3e ménagerait plus de place au texte, quand prédomineraient, dans les autres classes du collège, la grammaire et la compréhension. L’intérêt n’est pas de saisir une cause mais de mettre au jour que dans l’enseignement, de la poésie en l’espèce, les catégories des professeurs prennent leur part.
Un autre trait saillant tient à l’ordre dans lequel les champs de compétences sont annoncés. Dans les programmes de 2015, la « culture littéraire et artistique » est placée après les compétences d’oral, de lecture et de compréhension, d’écriture et l’étude de la langue11. Pour autant, les progressions annuelles de notre corpus ne suivent pas un tel ordonnancement. Elles font figurer ces composantes dans des ordres extrêmement variables. La tendance majoritaire, en 3e par exemple, est de mettre le thème ou le genre en tête, puis la lecture, la langue, l’écriture voire l’oral. L’extrait de la progression de 3e de Céline12, ci-dessous, dans un collège assez favorisé de région parisienne, est un cas typique où la mention des textes (partiellement référencés) tient lieu d’objectifs pour la lecture :
Lecture/Supports |
Langue |
Activités orales |
Activités écrites |
- Groupement de textes poétiques (V. Hugo, Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, poèmes de la Résistance) - Lecture intégrale Le Parti pris des choses de Ponge (en AP) - Tableaux impressionnistes et surréalistes |
- Lexique : les figures de style, la versification, lexique des émotions et des sentiments - Conjugaison : le futur et le conditionnel - Grammaire : rappels et rituels sur les trois pôles autour du nom/autour du verbe/autour de la phrase - Orthographe : la vigilance orthographique, les accords du participe passé, les terminaisons verbales en -é. |
- Présenter son travail - Proposer des hypothèses de lecture - Participer à des échanges oraux (recherche commune d’arguments) - Lecture expressive de poèmes |
- Rédiger et développer ses réponses en analyse de texte - Rédaction d’un poème en prose (constitution d’un recueil de poèmes) à la manière de Ponge - Le sujet de réflexion (méthodologie de l’introduction et de la conclusion, rédaction de paragraphes argumentés, travail sur le brouillon et l’analyse de la consigne) : selon vous, la poésie ne sert-elle qu’à embellir le monde ? - Description d’un paysage |
Ce qui apparait dans de tels choix d’affichage, ce sont des éléments relevant d’une hiérarchisation des objets d’enseignement que ne portent pas les programmes en vigueur. Ainsi ne trouve-t-on pas, dans cet extrait de progression, d’objectif d’apprentissage de compréhension ou d’interprétation précis ni de « formation littéraire ou personnelle » (annexe 2) comme l’appelleraient les programmes de 2015, mais des objectifs de production (« rédiger », « présenter un travail »). La grammaire prend même le pas sur ces différents objectifs sous la forme d’une liste de notions.
Enfin, certains professeurs n’affichent aucun poème à étudier ou aucune mention du genre dans les progressions de notre corpus. La poésie comme genre étant explicitement inscrite dans les programmes, ce cas s’apparente à un évitement. Précisons que les inspections se font entre la fin du mois de septembre et la fin du mois de mai. Il est donc à exclure que la poésie puisse avoir été initialement prévue, dans nos documents, mais finalement effacée car non étudiée faute de temps. Quand elle n’est pas mentionnée dans une progression, il s’agit d’un évitement délibéré et affiché, malgré la prescription.
Dans les classes de 3e et de 6e de l’échantillon, ce choix d’écarter les poèmes du corpus proposé aux élèves reste rare : un cas en 3e, trois cas en 6e. Il atteste cependant une autonomie des professeurs par rapport au prescrit (Barrère, 2002, p. 46). S’agissant du rapport à la poésie comme savoir disciplinaire, on peut en outre être tenté de parler de « savoir écarté » (Maulini et al., 2014) : il serait possible que la poésie soit évitée au motif d’une difficulté pour les élèves à l’appréhender. Dans notre corpus d’étude, il n’y a cependant pas de corrélation convaincante entre des caractéristiques sociales et les situations d’évitement ou le choix résolu de la poésie. Romain, par exemple, dans un établissement de banlieue gentrifiée, où l’IPS13 est de 117,3, ne propose pas de séquence dédiée à la poésie, ni de poème dans une séquence centrée sur l’entrée du programme « Récits de création ; création poétique ».
Ajoutons que l’évitement du théâtre en 6e est plus fréquent dans notre échantillon (4 cas) que l’évitement de la poésie, ou, à l’inverse, que les cas de séquences multiples sur la poésie sont nombreux, quand ils sont inexistants pour le théâtre. La poésie, peu présente dans le texte officiel pour la 6e, n’en est pas plus absente pour autant dans les projets des enseignants.
On est loin, en somme, de constater un impact direct des programmes de 2015 sur les choix affichés dans la progression annuelle pour les classes. La mise en discours que constituent les progressions annuelles n’est toutefois pas réductible à un écart ni à une résistance au texte officiel. L’échantillon réuni fait plutôt état d’un rapport ambivalent des enseignants de notre corpus aux programmes sur la poésie, tantôt présents, tantôt tenus à distance. Les paragraphes suivants vont tenter de décrire ce qui apparait comme une interaction complexe.
2. Des sélections dans une pluralité de prescriptions
Les récurrences que l’on observe renvoient moins à un affranchissement des programmes qu’à un discours des professeurs sur les savoirs à enseigner et à leur sélection dans les divers textes institutionnels.
S’agissant des connaissances techniques, par exemple, que l’on rencontre dans une majorité de progressions annuelles, la versification et les éléments formels sur la poésie ne sont présents dans les programmes qu’en 2008, dans la partie « lexique » du programme d’étude de la langue en 4e. En 2015, l’accent est mis bien plus largement sur une forme de définition de la poéticité, en 6e, à travers l’idée de « la puissance créatrice de la parole poétique », en 3e dans une formule comme « comprendre que la poésie joue de toutes les ressources de la langue pour célébrer et intensifier notre présence au monde » (annexes 1 et 2). Or, dans les 35 progressions annuelles de 6e, 4 seulement mentionnent des éléments de cet ordre : « s’interroger sur les particularités du langage poétique » ou « je comprends le pouvoir créateur de la parole », alors que 21 visent des notions formelles : « découvrir différentes formes poétiques », « analyser la versification », « connaitre les principales figures de style », etc. Il est plus significatif encore de relever que 4 progressions ne font état d’aucun objectif lié spécifiquement à la poésie, se concentrant par exemple sur les notions de grammaires ciblées dans la séquence. La proportion est la même en 3e : seules 6 progressions sur 35 comportent un questionnement en lien avec les propriétés du langage poétique. Le traitement affiché de la poésie se distingue ainsi nettement de ce que les programmes de 2015 conduiraient à attendre dans l’année des élèves. En outre, s’esquisse un mode de sélection chez les enseignants privilégiant, dans les prescriptions disponibles, ce qu’ils identifient comme un ancrage disciplinaire. Dans les choix affichés, ils favorisent assez nettement les savoirs techniques liés aux genres littéraires. Cela irrigue nombre de permanences.
De la même manière, on peut pointer la présence de la poésie engagée comme entrée thématique, alors qu’il s’agit d’un héritage direct des programmes de 199614. On trouve 8 progressions de 3e qui mentionnent l’engagement ou la résistance dans le titre ou la problématique de séquence sur la poésie. À l’inverse, le traitement de la thématique au programme de 3e, « Visions poétiques du monde » (annexe 2), n’est mis en œuvre que dans 17 progressions, de manière inégale : 8 mentionnent la « vision du monde », auxquels s’ajoutent 4 progressions qui spécifient comme thème le paysage, ou le paysage intérieur, et 5 le lyrisme. 11 autres choisissent des questionnements non précisés ou éloignés du programme : 3 reprennent l’exil, thème proposé aussi dans un manuel de 3e ; d’autres des approches comme : « Temps ami, temps ennemi ? » ou encore « Quelle vision du poète offre la poésie ? ».
Un jeu d’emprunts épars aux programmes de différentes époques peut donc être observé, que l’on retrouve jusque dans la structuration des progressions annuelles. À l’échelle de notre corpus, l’examen de la structuration des progressions annuelles met au jour ce que l’on peut désigner comme un « effet induit » (Chervel, 1998, p. 181-192) : la poésie est un ilot littéraire dans l’année des élèves. Entendons par là qu’un choix de structuration ou d’organisation de l’enseignement induit une orientation curriculaire, qu’il a un impact sur la configuration de l’objet et des finalités de son enseignement. Ici, en assignant une certaine place dans l’année à la poésie on modifie la perception de cet objet d’enseignement et ses caractéristiques. Tout simplement, cet objet est enseigné comme marginal dans la littérature donnée à lire aux élèves sur une année.
La structure sous-jacente des progressions analysées est, à cet égard, similaire pour une majorité de cas : en 3e comme en 6e, un élève a toutes les chances de suivre 6 à 8 séquences de français, d’une durée de 7 semaines en moyenne15. Dans ce canevas relativement homogène, la poésie trouve en 6e une place imprévisible pour l’observateur, et une place plutôt tardive dans l’année en 3e, où 23 progressions sur 35 la placent dans le dernier trimestre. On retrouve là une différence entre les deux niveaux de classe qui peut trouver des explications multiples. La proximité avec l’examen du diplôme national du brevet (DNB) en fin de 3e, notamment, peut conduire à ne traiter la poésie que dans le temps restant. Elle ne serait alors pas perçue comme prioritaire. Les sujets portant sur la poésie sont rares, de fait, au DNB. En près de 20 ans, seuls un poème et une fable ont été donnés (annexe 3).
Plus important ici, les progressions annuelles se caractérisent également par une distribution récurrente des genres et sous-genres littéraires dans l’année. En 6e, le schéma typique est : une séquence sur les contes, en particulier à travers le thème du monstre, une séquence sur les mythes antiques et/ou sur les récits fondateurs, une séquence sur le récit d’aventures, viennent ensuite les fables, la poésie, et le théâtre. En 3e, la distribution typique est : une séquence sur l’autobiographie, une séquence sur la littérature d’idées, le théâtre et la poésie venant de manière interchangeable avant une séquence sur le progrès scientifique, avec des extraits de romans d’anticipation, auxquelles s’ajoute une séquence sur la satire dont la place est très variable dans notre échantillon. Le récit concentre une bonne part des séquences annoncées. La poésie, comme le théâtre, est le plus souvent limitée à une séquence par an.
Cette polarisation des genres, c’est-à-dire une différenciation forte et cloisonnée dans leur traitement, correspond assez peu aux programmes de 2015. La 5e partie du texte de ces programmes, « Culture littéraire et artistique », propose, en effet, des questionnements dans des thématiques communes à chaque année du cycle, mais pas d’entrée par le roman, le théâtre, la poésie, l’essai. Cela engage une rupture avec les programmes antérieurs. Ceux de 1996 avaient introduit les quatre formes de discours : le narratif, le descriptif, l’explicatif et l’argumentatif (Clément, 2018) en plaçant au second plan le texte littéraire, mais ils maintenaient les catégories de genre et de registre auxquelles les programmes de 2008 donneront ensuite une place plus centrale. L’absence d’entrée par le genre dans leur architecture est bien une caractéristique des programmes de 2015, voire un propos institutionnel et prescriptif sur les manières d’enseigner (Mangez, 2004). En plaçant au premier plan les compétences de lecteur, le texte de 2015 invite à former des lecteurs plus qu’à initier les élèves à la littérature et à ses savoirs techniques. Dans cette perspective, la poésie du point de vue des programmes est moins abordée comme genre mais davantage comme un rapport au monde. En outre, les programmes ne se prononcent pas sur le moment où les entrées ou éléments de corpus devraient être traités. Au contraire, le texte précise : « Les questionnements sont abordés selon l’ordre choisi par le professeur ». Il ne stipule pas davantage une part des textes poétiques ou un nombre de séquences sur la poésie. Il pourrait y avoir trois séquences par an donnant à rencontrer des poèmes et textes poétiques. Ce que fait apparaitre l’analyse de la manière dont sont construites les progressions des professeurs est bien différent. Loin d’être un état possible de l’expression littéraire, un mode d’expression de soi et de perception du monde, comparable au roman ou au théâtre, la poésie y est une case dans le projet annuel.
3. Un univers de pratiques plus fort que les programmes ?
Un phénomène est à évoquer ici, qui interpelle s’agissant des opérations de sélection et de structuration pour concevoir un enseignement. Certains professeurs proposent une étude décloisonnée de la poésie, c’est-à-dire que l’on trouve des poèmes en dehors de la séquence dédiée à la poésie comme genre. En 3e, parmi les 16 professeurs étudiant ainsi la poésie de manière décloisonnée, 10 font aussi le choix de séquences réparties à des moments différents dans l’année pour l’étude de la poésie et pour l’étude du théâtre. En 6e, ils sont 10 à envisager de faire lire de la poésie en dehors d’une séquence dédiée à l’étude de ce genre, dont 4 à choisir pour cela La Fontaine. Or, 9 de ces 10 progressions prévoient poésie et théâtre à des moments très différents dans l’année. Cela conduit à considérer, du point de vue des élèves, qu’il y a plus de chances de lire des poèmes plus d’une fois dans l’année quand on a un professeur qui dissocie théâtre et poésie ; il y a peu de chances de lire de la poésie de façon décloisonnée si l’on a un professeur étudiant poésie et théâtre successivement. Du point de vue de l’analyse des récurrences et des prises de position pédagogiques (Mangez, 2004) à considérer comme des comportements collectifs, ce phénomène n’est pas anodin. Il témoigne d’opérations de sélection a priori indépendantes de la prescription.
En somme, un canevas récurrent est perceptible dans les progressions annuelles : il fait que ce document préparatoire ne peut être lu comme une simple mise en forme de l’année, aléatoire selon les individus ; il est à voir comme un cadre d’action pour le professeur qui construit le projet annuel de sa classe. Ce cadre peut être analysé comme un « dispositif », au sens de cadre d’actions réitérées (Chartier, 1999 ; Bonnéry, 2009) propre à induire des effets sur les apprentissages. En l’espèce, le modèle récurrent de progression annuelle que l’on vient de décrire est susceptible d’induire un statut du texte poétique dans la bibliothèque annuelle de l’élève. Statut qui n’est pas aussi large et décloisonné que ne le proposent les programmes.
Les textes institutionnels ont des éléments à nous livrer sur ce format des progressions annuelles et la valeur de dispositif qu’elles ont pu prendre. Entre 1996 et 1998, en particulier, les programmes16 s’attachent à définir le modèle de la séquence. Les mots de « projet pédagogique » (avant que celui de « progression » ne s’impose) et de « séquence » sont définis dans le glossaire global (Programmes et Accompagnement, p. 54 et 127) :
Le programme favorise le travail par séquences didactiques. On désigne par là un mode d’organisation des activités qui rassemble des contenus d’ordre différent autour d’un même objectif, sur un ensemble de plusieurs séances. (ibidem, p. 31).
En 1998, avec la publication du programme de 3e, et le recul permis par les premières années de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, des mises au point sont formulées, au sujet du décloisonnement, des séquences et de leur succession dans la progression annuelle : « Un enseignement décloisonné du français ne se contente pas de juxtaposer diverses composantes » ou « Les risques [de cette juxtaposition] en avaient déjà été signalés dans le document Accompagnement des programmes de 5e-4e ».
On a ainsi, dans le texte officiel, des traces de résistances et de débats suscités par les nouveautés introduites par les programmes. Or, pour répondre à de telles objections, l’Accompagnement des programmes de 3e va poser implicitement un cadre qui subsiste aujourd’hui, et cela en donnant des exemples de progressions. Dans le premier exemple (p. 178), on trouve : une nouvelle dans la séquence 1, un groupement de textes sur l’autobiographie dans la séquence 2, un groupement de poèmes en séquence 3. L’exemple 2 (p. 179) donne : Les Confessions de Rousseau en séquence 1, la poésie lyrique en séquence 2, un groupement d’extraits de récits autobiographiques en séquence 3. Le troisième exemple fait se succéder 5 séquences sur : Claude Gueux en œuvre intégrale ; la poésie engagée ; le récit complexe (avec, à nouveau, Claude Gueux) ; l’argumentation au théâtre ; l’argumentation dans les images (affiches, BD, peinture).
Alors même que les programmes de 1996 voulaient faire valoir une logique de progressivité explicite des apprentissages des élèves à un rythme facilitateur et agir sur la tendance à faire se succéder différents blocs (p. 177), ils entérinent, par les exemples donnés, un format que l’on retrouve dans les progressions que nous lisons aujourd’hui : programmations annualisées, combinant les champs disciplinaires à l’intérieur de séquences distribuant et polarisant les genres littéraires dans l’année.
Conclusion
Les programmes sont présents dans le laboratoire didactique des professeurs. Le principal constat qu’apporte l’observation de celui-ci est que, pour enseigner la poésie, et d’une manière générale pour organiser l’année littéraire de l’élève, ce sont les programmes de 1996 qui aujourd’hui encore sont le plus prégnants. En surface, les thèmes et problématisations sont ceux de 2015. Structurellement, la démarche séquentielle est celle de 1996.
On peut bien entendu lire ce constat comme une manifestation de la sédimentation des pratiques (Ronveaux et Schneuwly, 2007) : les programmes de 2008, puis ceux de 2015 n’ont pas chassé ceux de 1996. On conclurait ainsi que les cadres d’action dans lesquels s’inscrivent les professeurs sont descriptibles comme des dépôts successifs dont héritent les acteurs. Il n’y aurait pas une prescription disponible, celle des programmes en vigueur, mais plusieurs. Outre l’existence en synchronie d’autres prescriptions par la voix des inspecteurs ou des formateurs, il y aurait une prescription plurielle en diachronie, en quelque sorte.
À cet égard, si les programmes ont un effet sur la scolarisation de la poésie — et de la littérature en général —, il apparait que cela ne saurait être que dans le temps long. Ainsi, qui voudrait piloter une discipline par les programmes scolaires devrait penser la succession de ces textes dans le temps, et leur articulation, alors même qu’ils sont généralement écrits en réaction aux précédents.
De fait, en sélectionnant certaines permanences, ici principalement un format de progression annuelle scandée par les genres, dans lequel la poésie intervient une seule fois et le plus souvent en contiguïté avec le théâtre, les professeurs actualisent un type de séquençage, et par là même, surtout, un certain traitement des genres littéraires et une place pour le corpus poétique. Cette polarisation des genres, en particulier, fondée sur les caractéristiques formelles et les savoirs techniques, et non sur la lecture effective ou sensible des élèves, laisse peu de place au questionnement plus large de la poéticité dans l’expérience que les élèves peuvent faire à travers le poème comme y inviteraient les programmes de 2015. La place de la poésie dans les classes aujourd’hui, du moins dans ce que les professeurs affichent comme correspondant à ce que l’on attend d’eux, est donc moins liée au genre littéraire lui-même ou à ce qu’en disent les programmes en vigueur, qu’à une concrétion de la permanence d’un format issu des documents d’accompagnement des programmes de 1996.
Cela interroge nécessairement le schéma d’un cumul de couches de prescription comme principal facteur explicatif d’un curriculum réel. Parler d’injonction institutionnelle, de prescription, de prescrit pour éclairer les choix des professeurs n’a alors que peu de sens, si l’on n’interroge pas aussi ce que les professeurs lisent et disent de ce prescrit. Les programmes sont un texte qui s’actualise par ce qu’en font les professeurs et, l’exemple de l’enseignement de la poésie le montre ici, ils entretiennent un rapport complexe aux programmes, non réductible à un écart systématique, mais relevant d’une autonomie qu’il convient de chercher à qualifier. Par les sélections plurielles qu’ils opèrent et certaines permanences de programmes antérieurs, les professeurs ne manifesteraient pas seulement une forme d’indépendance, ils s’imposeraient en acteurs curriculaires, sans en être conscients, influant sur la délimitation des objets d’enseignement, ici la poésie, allant jusqu’à une forme de concurrence avec les programmes en vigueur.