Nous sommes particulièrement heureuses d’ouvrir ici le premier dossier scientifique de la nouvelle revue Carnets de Poédiles. Cette réalisation, rendue possible par la Maison des Sciences de l’Homme en Bretagne, résulte des travaux sur l’enseignement de la poésie développés par un réseau international de chercheuses et de chercheurs en didactique de la littérature. Nous commençons donc par souhaiter longue vie à ce nouvel espace éditorial de création, de mutualisation et de diffusion de travaux qui se veulent utiles au monde de la recherche, aux enseignants et aux enseignantes, aux formateurs et aux formatrices, aux étudiants et aux étudiantes ainsi qu’aux élèves de différents continents. Une place particulière est accordée aux poètes, qui pourront aussi prendre la parole à travers ces pages numériques et continuer à faire de nous des lectrices et des lecteurs plus créatives, plus créatifs, résolument critiques et sensibles, et donc plus profondément à l’écoute des poèmes.
Ce premier numéro prend la suite de travaux menés depuis maintenant plus d’une décennie. En effet, dès 2012, des chercheuses et des chercheurs, regroupés en séminaire à l’Université de Grenoble, s’interrogeaient sur le renouvellement de l’enseignement de la poésie parallèlement à celui du théâtre. De fait, si poésie et théâtre partagent la prépondérance de la voix, du souffle, de la performativité (Zumthor, 1990), s’ils entretiennent communément un dialogue avec la spatialité, l’intermédialité (Toudoire-Surlapierre, 2015), ils ont aussi en commun leurs difficultés à faire connaître certains de leurs corpus dans les établissements scolaires, à s’extraire des formats et des modèles pédagogiques traditionnels et à s’imposer en didactique face à l’omniprésence des genres du récit.
Bien avant la naissance des Carnets de Poédiles, l’enseignement de la poésie était déjà interrogé dans une dynamique pluridisciplinaire, foncièrement artistique et hybride (Delas, 1990 ; Martin et Martin, 1997 ; Jean, 1999). Venus de différents horizons, nous continuons encore aujourd’hui à nous réunir pour nous demander comment la diversité des poèmes, toujours mouvante et grandissante, est prise en compte et enseignée. Nous cherchons également à savoir si l’enseignement de la poésie s’est lui-même diversifié.
Avant d’inventer des dispositifs et de rénover les formes scolaires, la recherche en didactique passe nécessairement par l’analyse des curriculums et des expériences de classe. L’examen des pratiques effectives (Émery-Bruneau, 2018, 2020 ; Brunel, 2016 ; Fallenbacher-Clavien, 2017) révèle que le modèle didactique de la récitation, notamment, est toujours très présent. Cela ne cesse de surprendre car des enquêtes déjà anciennes (Gaudet, 1995 ; Denizeau, 2000) montraient que l’activité dominante et parfois exclusive de la récitation était un exercice scolaire peu apprécié des enseignants stagiaires en formation. À la fin des années 1990, la poésie était considérée comme un moyen pour développer la sensibilité et l’expression personnelle ; pourtant les activités proposées aux élèves s’écartaient peu des pratiques traditionnelles, et laissaient de côté l’approche artistique des genres et des formes poétiques. En 2000, Marie-Thérèse Denizeau constatait même que si les fonctionnaires stagiaires tentaient d’articuler poésie et arts plastiques, c’était toujours pour illustrer le traditionnel cahier de poésie.
Plus récemment, au Québec, les travaux menés par Judith Émery-Bruneau (2018) montrent aussi que les savoirs enseignés demeurent relativement figés, quel que soit le niveau d’enseignement, et qu’il existe un « noyau dur des pratiques d’enseignement de la poésie » (2020), notamment autour des écritures imitatives et du pastiche. L’apprentissage vise la transmission de savoirs techniques et n’envisage que très rarement une réelle expérience poétique, en dépit d’une évolution dans le choix des corpus liée aux textes institutionnels qui, depuis 2009, préconisent la chanson et le slam (Brunel et Émery-Bruneau, 2016).
En France, où des listes d’ouvrages de référence sont régulièrement actualisées depuis vingt ans, nous avons eu l’occasion de montrer qu’au niveau primaire, les auteurs contemporains étaient largement majoritaires (Boutevin, 2014). À côté de poètes reconnus en littérature dite « générale » comme E. Jabès, G. Norge, J. Sacré, D. Biga, un grand nombre d’auteurs toujours vivants, légitimés par l’école (Marcoin, 2002), constitue l’essentiel du corpus. Cependant, même si l’on y trouve des poèmes à jouer de J. Tardieu et de C. Norac, par exemple, ou des poèmes dialogués de P. Joquel, qui peuvent amener à des expérimentations de lectures théâtralisées, les œuvres slamées ou performées et la poésie sonore contemporaine en sont absentes. En 2006, P. Ceysson évoquait la nécessité d’une formation littéraire à la poésie contemporaine et s’interrogeait : « La formation universitaire à tous les niveaux prépare-t-elle à la réception du rap ou du slam, de la poésie sonore, du spatialisme, ou plus simplement à la mise en voix et en espace du poème ? » (p. 7). La formation des lecteurs, et donc celle des enseignants, aux formes actuelles de la poésie, pose toujours question. En outre, si lors d’une recherche récente sur les pratiques effectives, nous avons montré (Boutevin, 2020) que, dans les séances observées portant sur la poésie, l’activité de lecture à haute voix est plus fréquente que lorsqu’il s’agit d’un autre genre littéraire, le contact oral et créatif avec les poèmes demeure, quantitativement, à la marge.
Pour autant, depuis dix ans, à la faveur du développement des recherches en didactique de la littérature, des dispositifs alternatifs dans l’enseignement et en formation (Brillant Rannou et Petit, 2015 ; Chiron et Chométy, 2018 ; Lemarchand, 2017) sont expérimentés et laissent penser que l’enseignement de la poésie peut évoluer. Certains dispositifs de recherche se transforment en activité didactique, comme c’est le cas du « Recueil à quatre mains » (Brillant Rannou, 2010, 2016, 2017) ou de « L’écriture dialoguée dans les marges » (Brillant Rannou, 2016 ; Massol, 2016). Les mises en voix et en espace, grâce au numérique et à la vidéo notamment, nourrissent peu à peu de nouveaux liens entre les poèmes et leurs lecteurs, que ces langages artistiques soient porteurs d’interprétations de l’oeuvre et jouent le rôle de textes de lecteurs (Mazauric et al., 2011), de textes des poètes eux-mêmes lecteurs (Brillant Rannou et al., 2018) ou qu’ils participent intégralement de sa poéticité première (Théval, 2019a et b).
Pour ce premier numéro des Carnets de Poédiles, nous avons souhaité prolonger l’étude des liens entre poésie et oral, entre texte, corps et voix, initiée dans le volume collectif Être et devenir lecteur(s) de poèmes, de la poésie patrimoniale au numérique. Dans cet ouvrage de 2016, quatre contributions interrogent les approches orales de la poésie, de l’école primaire à l’université, en France et au Québec. Aux constats précédemment cités, viennent s’ajouter les résultats d’une recherche exploratoire menée dans l’hexagone par Isabelle Olivier et Gersende Plissonneau, (p. 173-196) dans deux classes de CM à partir de l’anthologie de poèmes illustrée (Boutevin, 2018, p. 147-184), Le Apollinaire (Boutevin, 2021). La pratique de diverses activités orales (écoute des poèmes lus par l’auteur, réécriture vocale d’un poème, mise en voix de textes par les élèves, débat interprétatif), sur un temps relativement long, montre les possibilités de réels apprentissages à partir d’une œuvre somme toute difficile d’accès pour de jeunes lecteurs. Dans le même volume, la lecture à haute voix est, quant à elle, interrogée à travers une enquête menée en collège par François Le Goff qui met en évidence que
le rapport à l’oralité littéraire évolue finalement peu, au cours des années de collège, et qu’il est fondamentalement marqué par une mise à distance de la subjectivité, au profit d’une conception physique et normative de l’activité. Dans cette approche, le texte, avec sa ponctuation, commande la manière de le mettre en voix ; l’interprétation, la créativité performative sont sévèrement encadrées par le matériau textuel. (2016, p. 167-168)
Ainsi, pour les enquêtés, en contexte scolaire, la lecture à haute voix ne constitue pratiquement jamais un moment d’expérimentation. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons souhaité expérimenter, à petite échelle, la lecture subjective en contexte de formation des enseignants du 1er degré, à travers le débat, une activité en phase de devenir un modèle didactique dans la discipline du français (Boutevin, 2014, p. 594-604). L’analyse des interactions au sein du petit groupe d’étudiantes révèle que le poème et le dispositif retenus ont permis l’expression de soi et la socialisation de la subjectivité.
En 2018, dans le volume suivant, À l’écoute des poèmes, enseigner des lectures créatives, les notions de voix, d’oralisation et d’écoute concernent la quasi-totalité des chapitres, depuis la mise au programme de la comptine (Boutevin, p. 41-59), jusqu’à la présentation d’oeuvres immédiatement contemporaines comme celles de Dominique Quélen (Brillant Rannou et al., p. 205-224), Jérôme Game (Le Goff, p. 161), Serge Pey ou encore Marjolaine Beauchamp (Émery-Bruneau et Brunel, p. 119). On note que ces poètes se distinguent par les caractéristiques de leur diction et de leur voix. « Voix » constitue d’ailleurs un des mots-clés de la conclusion du livre : « promouvoir une “aventure de voix”, selon les mots d’Assia Kellil, donne au lecteur créatif le loisir de reconfigurer le texte et de transformer sa “bibliothèque intérieure” » (Brillant Rannou, p. 256).
Au niveau des pratiques de classes, différents chapitres rendent compte d’une certaine diversité, comme le travail de mémorisation collective, l’expression de sa propre lecture, l’exercice de la diction (Bazile et Plissonneau, p. 61-76), repérés en CP. « L’entretien poïétique duel » (Favriaud, p. 77-91), la « réénonciation » (Kellil, p. 107) constituent des pratiques moins ordinaires. Mais c’est à l’occasion d’expérimentations ponctuelles ou plus ou moins étirées dans le temps que la mise en voix est examinée à proprement parler (Émery-Bruneau et Brunel, Le Goff, Brillant Rannou et al., Chiron et Chométy). Outre la corporéité communément conférée aux poèmes par les lecteurs, dans tous ces cas, l’interprétation est secrétée grâce à la confrontation de variantes : lectures guidées par la ponctuation, par la syntaxe ou par la mise en page (Chiron et Chométy), mises en voix des élèves alternative à une vidéo de l’auteur lisant (Brillant Rannou et al.), voix intime et voix fictionnalisée mises à l’épreuve des changements de rythme de la langue (Le Goff). En définitive, ce deuxième ouvrage illustre une thèse forte : pour le lecteur ou la lectrice, la mise en voix performe et « fait » poème, dans la mesure où le sens s’actualise et se découvre singulier, dans le temps de l’énonciation. L’enjeu didactique revient à conférer au travail de mise en voix celui de la mise à l’épreuve du sens. Lire à voix haute de façon immersive (Le Goff) ou performée (Émery-Bruneau et Brunel) n’illustre pas le texte, et ne doit pas s’en tenir à son simple signifiant non plus. La lecture orale n’est plus un mode de vérification de la compréhension mais l’outil de sa production (Brillant Rannou, p. 256), Serge Martin parle alors d’une lecture « de participation » (p. 34).
Quelles suites voulons-nous donner à ces travaux ? Certes, la réalité des pratiques ordinaires et dominantes dans les classes nous rappelle incessamment que la recherche en didactique doit convaincre et former. Et pourtant, envers et contre toutes les apparences, elle doit aussi savoir écouter, regarder, prendre acte et analyser : l’existence de happening et de divers modèles d’oralisation tels le slam, les joutes poétiques, les brigades d’intervention poétique, les performances, éventuellement filmés et mis en ligne, se multiplient. En classe, à l’université et en formation, au-delà du travail décisif de la diction et de la voix, quels enjeux sont véritablement visés ? Si l’on ne considère plus l’oralisation du poème comme un moyen d’évaluation de la mémorisation ou de la compréhension préalable du texte, et que l’on admet que la mise en voix constitue le moment d’une expérimentation, à tâtons, de sa matérialité et de sa polysémie, que deviennent les exercices plus académiques (la récitation, l’explication de texte, le commentaire) ?
On peut aussi s’interroger sur les procédures de mise en scène, intimes ou collectives d’un poème. Quel poème s’écrit ou se réécrit, quand il est scénarisé, qu’il soit inventé ou non pour être dit ? Que se passe-t-il sur les plans poétique, artistique, didactique, social voire politique, quand des élèves manifestent poétiquement dans la rue1 ou envahissent un supermarché pour déclamer des textes comme dans le film documentaire Les Lucioles (2019) ? Si en France, le document ressource La poésie à l’école (MEN, 2004 et 2010) « comporte [...] de nombreuses amorces d’un possible renouveau portant sur la définition de la poésie, sur ses enjeux à l’école primaire, sur ses domaines d’enseignements [...] et plus encore sur ses genres d’activités » (Favriaud, 2018, p. 78), il laisse en grande partie dans l’ombre l’articulation avec le théâtre, la performance, la danse, la lecture publique… Reste donc à savoir ce qui est attendu, ce qui est possible, ce qui se joue, à tous les niveaux d’enseignement, et quels apprentissages se déploient à travers toutes ces expériences.
On ne compte plus aujourd’hui le nombre de vidéos qui mettent en scène la voix, le corps, l’énonciation poétique. Sur des plateformes spécifiques comme Youtube, Dailymotion, Viméo, la mise en ligne de captations de spectacles, de lectures orales ou de poèmes multimodaux a accru le nombre d’œuvres et de documents audiovisuels dont les enseignants peuvent s’emparer. Pour la poésie, il existe une grande diversité de vidéos (Massol, 2018) où la captation de spectacles poétiques côtoie des enregistrements de mises en voix sur fond de montages d’images voire de textes, mobiles et fixes. Un site comme la revue en ligne Tapin2.org, par exemple, diffuse des créations de vidéo de poésie du monde entier, à côté d’autres réalisations : poésie audio, poésie numérique... Les enseignants peuvent donc avoir accès à un très riche ensemble comprenant le « cinépoème » (Alféri, 2010), le « vidéopoème » (Castro, 2019), le « film-poème » (Boutevin et Plissonneau, 2019), le « cinéhaïku »... Quelles découvertes de ces œuvres contemporaines intermédiales (Méchoulan, 2017) sont possibles en classe ? Comment penser l’approche des objets où poésie et cinéma sont en relation étroite (Courreau, 2014) ? À quelles conditions le cinéma ou le web peuvent-ils devenir des pratiques sociales de référence ou des moyens d’accès à la poésie en classe, y compris via le film d’animation (Poirson-Dechonne, 2017) ? Du point de vue des élèves, quelles expériences des poèmes peuvent voir le jour dans un contexte d’enseignement-apprentissage de l’écriture notamment multimodale (Lebrun et Lacelle, 2012) ? La poésie en scène ou en vidéo nous oblige à redéfinir les notions de spectateur, de spectature, de réception participative et créative, mais aussi d’écriture. Si des expériences à l’école, à l’université, en formation, produisent de nouvelles formes poétiques ou métapoétiques que l’on pourrait inscrire dans le champ de la littératube (Bonnet, 2019 ; Théval, 2019a et b), comment les analyser, les interpréter, les valoriser ?
On le voit, les questions didactiques foisonnent et quantité de pratiques et de questions sont en germes. Comment enseigner la réception d’une œuvre poétique performée, en direct ou filmée ? Comment inscrire la présentation d’une vidéo de poésie dans un projet d’apprentissage ? Qu’apprennent véritablement les élèves à travers ces projets ? Comment travailler l’écoute et l’interprétation des poèmes tout autant que le dire et la mise en voix ? Toutes ces questions sont les nôtres et sont destinées à motiver toutes sortes de projets. Mais il est évident que seule une petite partie d’un tel programme est couverte par notre dossier scientifique composé de six articles.
Les deux premières contributions de ce dossier ont pour point commun de s’intéresser à des supports contemporains audiovisuels, les vidéopoèmes et les performances filmées. Dans un premier article, les didacticiennes de la littérature Judith Émery-Bruneau et Sonya Florey étudient l’expérience poétique d’enseignants du secondaire et s’interrogent sur les conditions nécessaires pour qu’un corpus de vidéopoèmes immédiatement contemporains entre dans les classes. La proposition faite à un petit nombre de professeurs d’une réception « libre » conduit à des pratiques peu renouvelées. Pour autant, les chercheuses ne s’en tiennent pas à un constat déceptif, considérant que la rencontre avec ces vidéopoèmes pourrait constituer en elle-même une expérience pour des élèves. L’analyse de Camille Vorger, spécialiste du slam et de la performance poétique, porte plus largement sur le dispositif de l’atelier. Elle questionne les enjeux didactiques de celui-ci dans une perspective similaire, celle de la transformation des pratiques. À partir d’une vaste enquête, la chercheuse met en évidence les potentialités d’un tel dispositif et propose des expérimentations adossées à des formes contemporaines de poésie « vive », c’est-à-dire « incarnées sur scène performées » et filmées, auprès d’étudiants, d’étudiantes ou d’élèves de divers niveaux de classe. Son propos invite à ouvrir la curiosité des enseignants vers des corpus propices à l’exploration de voix et de formes poétiques d’aujourd’hui.
Dans la contribution suivante, Francine Fallenbacher-Clavien, poétesse et chercheuse en didactique du français, et Valérie Michelet, formatrice docteure en littérature, réajustent l’articulation entre expérience sensible et oralité. Dès lors, elles analysent les effets d’un travail d’annotation conçu pour mettre en voix un poème de Huré, Si tu vas à la mer…, dans une classe d’élèves de 11-12 ans en Suisse romande. En tant que chercheuses, elles ont conçu des séquences didactiques dans le but d’explorer l’oralité du texte par un travail de compréhension sensible (mime, dessin) puis par l’annotation/mise en voix collective. Elles les ont expérimentées dans quatre classes en se focalisant sur l’étude de l’une d’entre elles. L’intérêt de cette recherche porte autant sur la catégorisation des annotations des élèves que sur l’approche sensible de l’oralité du poème que provoque l’activité.
L’article de Magali Brunel envisage lui aussi la dimension orale dans l’enseignement de la poésie, à travers une recherche-action-formation en didactique de la littérature. Accompagnée de deux collègues de l’académie de Nice, Anaïs Exertier et Meriame Kaddouri, la chercheuse expérimente, auprès d’enseignants néotitulaires en troisième année, un dispositif innovant de « balade poétique » et souligne l’importance du type de recherche choisi pour faire évoluer les résistances et les pratiques liées à l’enseignement de la poésie orale.
Enfin dans un souci d’ouverture de notre revue, nous avons souhaité donner la parole à Antoine Algrain, un jeune collègue, étudiant en master MEEF lettres modernes au moment de son expérimentation, et à Éric Navé, doctorant en sciences du langage, que nous avons accompagnés tout au long de la rédaction de leur contribution. Pour le premier, il s’est agi de problématiser un dispositif de lecture à haute voix de poèmes, dans le contexte d’un concours national auquel une classe de seconde a participé. Ce faisant, A. Algrain interroge les conditions d’un apprentissage de la mise en voix de textes avant l’exercice certificatif de l’épreuve anticipée de français où la lecture à haute voix est évaluée. Sa contribution éclaire les pratiques d’un enseignant novice qui cherche à inscrire l’activité de lecture à haute voix comme expérience pouvant donner « l’envie de lire des poèmes » à des adolescents. Enfin, en didactique des langues, É. Navé rend compte d’un projet en cours de Français Langue Étrangère à l’université, en Arabie Saoudite. Après l’écriture et l’enregistrement de courts textes poétiques, les étudiants débutants ont répondu à un questionnaire individuel puis participé à un entretien collectif. Les paroles rapportées et l’analyse abordent des éléments culturels et identitaires intéressants, liés à la voix enregistrée et écoutée par des apprenants adultes dans un contexte où l’expression personnelle ne va pas de soi. Nous sommes convaincues que la didactique de la littérature et celle des langues ont tout à gagner à articuler leurs savoirs, leurs méthodologies, et à discuter ensemble leurs résultats.
Enfin notre revue donne la parole aux poètes et aux poétesses, aux lectrices et aux lecteurs de poésie, aux enseignants et aux enseignantes, dans trois rubriques : « Babel », « Poèmes lus » et « Voix et pratiques ». Pour ce premier numéro, « Babel » propose un ensemble de poèmes inédits en langues française et étrangères d’Ana Rossi, Andreia Donadon Leal, Cesare Mongodi, Denise Muetzenberg, Lou Lepori, Márcia Wayna Kambeba, Miguel Antonio d’Amorim, et un travail de traduction d’un poème de Rolf Hermann réalisé par des étudiants de l’université de Genève sous la houlette de Mathilde Vischer Mourtzakis. « Poèmes lus » présente une lecture subjective du recueil de Jacques Réda, Les Ruines de Paris (1977) par Jean-François Massol. Dans « Voix et pratiques », Valérie Drouin nous montre comment sa réception personnelle d’Alcools d’Apollinaire a motivé une expérimentation didactique en classe de Première, dans l’académie de Grenoble. Nous renvoyons les lecteurs et les lectrices des Carnets de Poédiles à ces rubriques semestrielles qui nourrissent notre réflexion scientifique tout autant que les textes théoriques.